Antoine Wauters was born in Liege in 1981. He studied philosophy and has published three books in Cheyne publications, especially ‘‘Cesarine de nuit’’, which had often been played in the theatre by Isabelle Nanty. In 2014, his novel “Our Mothers”, which has been released by Verdier publications, won RTBF’s first award, the award for the Revelation of People of Literary Society and was the finalist for the Five Francophone Continent Awards. At the same year, he signed as co-author for the scenario of Antoine’s Cuypers movie entitled ‘’Prejudice’’, which brought him close to Nathalie Baye and to singer Arno. As director of the IF collection at the “Tree of Words’’, he was the manager, for two years, of the “Gray Collection” in Cheyne publications. In November 2017 he participated in the first Night of Writers along with Geneviève Damas, Laurent Gaudé, Joy Sorman, AbdellahTaïa and Karyl Ferey. He is working on film adaptation entitled “Little Luben”, a Roberto’s Bolaño novel, and he prepares his next two novels in Verdier publications.
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As mentioned by Christos Nikos, Doctor in Comparative Literature at the University of Sorbonne Université – Facuté des Lettres, Antoine Wauters in Sylvia collection, talks about the death of his two grandparents, Armand and Charles. Here the poet resorts to poetry in order not to erase the light of memory. Death and life, joy and sadness or loss are always on the same stretched rope, that’s why the poet invokes, as we have seen, another poet, Silvia Plath, in order to help him pass this test, which is the end of life and the death of the two beloved persons. Wauters tries, through the poetic narration, to keep his memory alive despite Alzheimer’s disease from which suffered his grandfather Charles, who is the protagonist of the translated passage. The poetic narrative is done here mastefully with small, almost fragmented and fragmentary phrases that show a memory that tends to be erased but eventually, through poetry, freezes in time as a photographic shot. And even your photograph, Charles, that serves you a big glass of wine under the view of all of us the day of your 60th years, though this will not tell you anything anymore.
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V enu par l’eau en 1924, par l’eau à présent
tu nous quittes, Charles, en cet hiver 2009. Et au début de ta maladie – vers 2002 – c’est l’eau déjà que l’on trouve, petite flaque, ou lac, entre tes tempes. Partout et toujours l’eau, bien avant même déjà qu’on n’évoque Alzheimer – fin mars 2005 –, et que ton histoire, que toute ta vie et que ton visage lui-même en viennent à se résumer à ça : de la brume et du brouillard flottant sur toi, en toi, plus ton esprit abandonnera ton corps et son environnement. Et nous abandonnera.
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De l’histoire d‘un jeune homme musclé, mèche au vent, faisant de la moto sur des routes de campagne à la lisière de trois pays ; de l’histoire d’un facteur de quarante ans prenant le train
pour la mer du Nord, l’été, ou l’avion, quand les finances sont bonnes, pour Palma de
Majorque ou Benidorm ; de l’histoire d’un retraité cultivant un lopin de terre précis, dans un endroit précis, délimité par des cordeaux, des treillis et du repousse-limaces, ton histoire peu à
peu deviendra celle d’une station assise, d’une surveillance et d’un jeu de sangles qui, en chaque point de ton corps pourtant bien loin de se dire vaincu, va définitivement se refermer.
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Ce que tu auras pourtant achevé, tu penseras ne pas l’avoir entamé, et l’entameras donc –couper du pain. Ce que tu n’auras pas entamé encore, tu penseras l’avoir achevé déjà, et ne l’entameras pas – couper du pain. Et ainsi peu à peu, comme un fruit pourrit ou comme une chose lentement arrive – la nuit après le jour, l’ennui, la maladie –, tu oublieras tout. Et tout en toi se mélangera. S’oubliera.
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Tout s’oubliera en toi. Et ce que tu auras lu à la page des sports de ton journal, le résultat des matchs de foot, les matchs de foot eux-mêmes n’auront plus de sens ou encore moins de sens, puisqu’en fin de compte se résumant toujours à des matchs nuls, des matchs en vain, tout match gagné pouvant tout aussi bien devenir un match perdu, et inversement – dans l’oubli, tout se vaut : gagner ou perdre, agir ou pas, parler ou pas, et que les jours passent et que la vie continue ou non.
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Et tout ce qu’on te dira – ou presque – sera du vent. Et qu’on te répètera, de la poussière. Et toutes ces photos de nous, collées aux murs de la chambre du Bon Temps, salies ou jaunies de tout le temps passé sur elles, dans ton souvenir aussi seront jaunies, salies et même cornées. Et même cette photo de toi, Charles, qui te sert un grand verre de vin le jour de tes 60 ans sous le
regard de nous tous, même celle-là ne te dira plus rien.